vendredi 22 novembre 2013

L’intervention en RCA : la France a trop attendu


Depuis  le mois de décembre 2012, la RCA, l’ancien Oubangui-Chari colonial, est un foyer de déstabilisation qui menace toute l’Afrique centrale et la région sahélo-tchadienne au moment où la contagion sahélienne a touché la zone tchado-nigériane et  la Libye saharienne.
Alors que la France va intervenir en RCA, ce qu’elle aurait du faire depuis le mois de décembre 2012, je ne vais pas redire ici ce que j’ai déjà expliqué à travers mes analyses et communiqués des 26 décembre 2012, 1er janvier, 24 mars, et 7 septembre 2013 ainsi que dans le numéro de février 2013  de l’Afrique réelle et dans celui du mois de novembre 2013 à travers l’article intitulé  « RCA : les coupeurs de route au pouvoir ».

Néanmoins, pour résumer la situation, il importe de ne pas perdre de vue que :

1) Ceux qui font régner la terreur à Bangui sont les héritiers des bandes islamistes mahdistes et de celles de Snoussou qui razziaient les peuples de la forêt et du fleuve avant la colonisation.
2) Comme quasiment partout en Afrique, le problème est d’abord ethnique et il est à l’origine de l’instabilité récurrente que connaît cet artificiel pays, quadrilatère de 623 000 km2, non-Etat présentant de grandes différences géographiques, donc humaines, entre des régions sahéliennes, des espaces soudanais, des savanes centrales, une forêt  méridionale et des régions bordières du fleuve.
3) L’histoire de RCA depuis l’indépendance est rythmée par l’alternance de  cycles ethno-politiques conflictuels qui donnèrent tour à tour le pouvoir à des populations originaires des grandes régions du pays comme je l’ai longuement expliqué dans le numéro de l’Afrique réelle du mois de février 2013.

Le 15 mars 2003 le général François Bozizé, un Gbaya, ethnie originaire de l’ouest du pays, accéda aux affaires au moment où tout le nord de la RCA était touché par la contagion du conflit soudano-tchadien. A plusieurs reprises, les rebelles tchadiens opposés au président Idriss Déby Itno et soutenus par le Soudan tentèrent ainsi de contourner les défenses tchadiennes par le nord de la RCA et ce fut à partir de ce moment que la région de Birao et des « trois frontières » (Soudan-Tchad-RCA) échappa définitivement  aux autorités de Bangui pour devenir une « zone grise ».
A la fin du mois de décembre 2012, venus de cette région, quelques centaines de combattants appartenant à de petites tribus nordistes et islamisées, dont les Gula et les Runga, appuyés par des Soudanais et des Tchadiens, avancèrent vers Bangui, la capitale, groupés dans un hétéroclite mouvement créé pour la circonstance et qui prit le nom de Séléka (coalition en langue sango).
Ce qui, au départ, n’était qu’une razzia lancée par deux ou trois centaines de coupeurs de route se transforma alors en une entreprise de conquête du pouvoir. Au noyau initial vinrent ensuite s’agréger plusieurs mouvements ethno-politiques microscopiques dirigés par de vieux chevaux de retour de toutes les aventures centrafricaines.
Le pillage de Bangui débuta alors, suivi par le massacre des Gbaya et des chrétiens. L’anarchie gagna ensuite l’ensemble du pays, les bandes du Séléka se livrant à un pillage en règle des populations cependant que Michel Am Nondroko Djotodia président autoproclamé le 24 mars 2013 était totalement dépassé par les évènements.

En RCA où, une fois encore, la longue histoire explique les évènements contemporains, l’intervention militaire trop tardive ne réglera pas le problème de fond. En effet, le Séléka va se débander devant les troupes françaises mais :

1) La question de la pacification de la région des trois frontières ne sera pas réglée car le Soudan constituera la base arrière de tout futur mouvement.
2) La seule solution qui sera proposée par la France sera une nouvelle fois un processus électoral, donc une ethno-mathématique, qui redonnera le pouvoir aux plus nombreux, donc aux peuples de la savane. Les « gens du fleuve » au sud et les nordistes seront automatiquement perdants car minoritaires, ce qui sera la cause de futurs conflits...

5 commentaires:

  1. Bonne analyse Professeur!Que suggérez vous cependant à la place d'un processus démocratique transparent. La loi des urnes n'est-elle pas la voie obligée même si elle connait ses limites dans le contexte si délicat de l'ethnicité. Pensez vous à d'autres formes de gestion concertée du pouvoir basées sur la balance ethnique.
    Un de vos anciens étudiants du CID

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    1. Ancien étudiant ? on dirait pas...
      le problème n'est pas "la voie de urnes", mais des frontières basées sur la cohérence éthno-géographique au lieu du découpage arbitraire de la décolonisation... c'est quand même pas compliqué à comprendre !

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  2. Une analyse quelque peu simpliste, par quelqu'un qui ne me semble pas beaucoup connaître la RCA.
    Et qui fait l'impasse sur de nombreux paramètres géopolitiques :
    Tout d'abord sur les ressources fossiles de la RCA, diamants, uranium, pétrole (gisements identifiés dans le nord du pays, en Haute-Sangha, dans les années 80 par la compagnie américaine CONOCO.)
    Ensuite sur le jeu d'échecs que jouent localement les grandes puissances internationales, USA, Russie, Chine, Israël.
    Dans ce jeu sans fin, la France, déchue depuis belle lurette de sa position de puissance mondiale par les anglo-saxons, n'est plus que la marionnette des USA et D'Israël. L'armée française sert ainsi d'homme de paille, d'ambulance et de paillasson, mais à chaque fois qu'un semblant de relance de l'économie locale transparaît, les petits drapeaux américains s'agitent à nouveau dans les rues de Bangui, les réminiscences "antique-coloniales" refond surface, et la France se fait à nouveau évincer.
    A Bangui "la coquette", qui n'en finit plus de tomber en ruines, il n'y aurait ni Mossad, ni CIA ?
    Ce serait à en rire, si ce n'était devenu si tragique.

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  3. Potentiel pétrolier de la RCA:
     http://www.docstoc.com/docs/49226734/Report-on-the-petroleum-potential-of-the-RSM-Production

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  4. La question que je me pose est la suivante:

    Après la sécession du Sud Soudan, le Soudan aux infrastructures pétrolifères nouvellement désuètes s'est tourné vers le Tchad pour accueillir et raffiner son pétrole.

    Pourquoi aujourd'hui El Bechir attaque le Tchad alors que son économie risque de dépendre en partie de la bonne entente entre ces deux pays?

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